La Passe et la Garantie à l'École

Extrait du
Mémoire sur la psychanalyse présenté par le Gifric à l'Office des professions du Québec et au comité d'experts présidé par le Dr Jean-Bernard Trudeau

La formation
des psychanalystes
au GIFRIC


(document PDF, 395 ko)

 

par Willy Apollon
Conseil Clinique du Gifric

La Passe est une procédure créée par Jacques Lacan pour permettre à l’École de savoir à quel point de la logique de son expérience analytique est parvenu effectivement celui qui prétend avoir terminé sa cure et s’autoriser de ce terme pour diriger celle d’un autre. La Passe créée par Lacan devait rendre compte de ce terme tandis que le processus de la garantie souhaité par Lacan devait rendre compte de cette autorisation. Le processus de garantie n’a jamais été mis en place du vivant de Lacan ni après. À l’École freudienne du Québec, quelques modifications ont été apportées à la procédure pour garantir aussi bien le terme de l’expérience que l’autorisation de la pratique selon l’optique de J. Lacan, mais dans des conditions recevables au Québec et en Amérique du Nord. On y distingue donc, la Passe à l’Entrée par laquelle on devient membre de l’École, la Passe Conclusive par laquelle on devient psychanalyste de l’École et la Passe de la Garantie qui habilite à la pratique analytique dans l’École Freudienne du Québec. Dans la passe, l’analysant, témoignant devant deux passeurs, communique à l’École le savoir issu de son expérience analytique sur ce qui le cause et le fait accéder au statut de sujet de l’inconscient, avec les conséquences dans sa vie d’une telle transmutation. À l’École freudienne de Québec, la procédure s’effectue en quatre temps logiques.
  • Premier temps : l’analysant en position de passant parle à deux passeurs des points forts de son expérience analytique et de la façon dont cette expérience a subverti sa position en regard de la jouissance qui le cause, comment il en est venu à assumer la responsabilité éthique de sa position subjective inconsciente et comment il est parvenu au terme de son expérience, et avec quelles conséquences.
  • Deuxième temps : les passeurs à tour de rôle et séparément vont rendre compte à un cartel de cinq analystes de ce qu’ils ont retenu et compris du témoignage du passant. De fait, ils transportent au Cartel de la Passe un savoir, inscrit en eux pour le temps de la passe, sans savoir ce qui de la lettre de ce savoir supporte les signifiants qui portent leur témoignage à enclencher le travail du Cartel.
  • Troisième temps : le Cartel est mis au travail par le savoir transmis par les passeurs consciemment ou à leur insu, et archive les résultats de son travail, son analyse de cette transmission et de ses conséquences pour les passeurs et les passants, tout comme les impacts et conséquences de chaque passe pour l’avancée de la clinique et de la théorie et pour le savoir à l’œuvre dans l’École. Il s’avère alors que ce qui met tout le processus en marche et suscite le travail clinique à toutes les étapes de sa mise en œuvre, au-delà et en deçà des discours, est bien ce qui cause les sujets sur cette scène que le processus évoque en offrant une parole au fantasme.
  • Quatrième temps : tous ceux qui ont participé à la procédure, passants et passeurs, sont mis au travail dans l’après-coup de la passe sur les effets de la passe, ses points forts, ses difficultés et ses conséquences sur la clinique et la théorie. Pour ce travail ils se regroupent en cartels de 4 ou 5 membres qui travailleront pendant trois ans sur des thèmes extraits par le Conseil clinique des points obscurs des rapports de cartels. À la fin de cette période de travail les cartels font un enseignement à l’École sur les résultats et les conclusions de leur travail. Les cartels par leur travail assument ainsi le développement pour la clinique et la théorie, du savoir issu du travail de la chose (qui cause) dans l’expérience analytique et dans l’école.

La procédure de la garantie se met en place selon les mêmes stratégies utilisant des mécanismes semblables. Elle doit rendre compte à l’École du mode selon lequel l’analyste de l’École s’autorise à la pratique de la psychanalyse pure et à l’application de la psychanalyse dans les domaines les plus proches du savoir analytique et les plus critiques quant aux enjeux supportés par la cause freudienne. Dès 1905 Freud nous introduit aux conséquences de l’effraction de cette jouissance qui produisant l’homme subvertit son rapport à la sexualité, son rapport à sa conscience et son rapport au monde. La procédure de la garantie, reprenant ce que la passe a mis en évidence, l’objet qui rend compte de la position du sujet en regard de la jouissance dans le fantasme, elle met au travail le rôle de cet objet dans la direction de l’expérience analytique, avec les conséquences qu’un tel rôle et une telle direction peuvent avoir dans le déroulement et les avatars de la logique qui mènerait une telle expérience à son terme. Mettant ainsi à l’épreuve d’une passe ce, dans son expérience propre, à partir de quoi l’analyste s’autorise, la garantie soumet à la reconnaissance du Conseil de la garantie, ce qui fonde la position d’analyste dans l’École. Des analystes en position de passeurs recueillent d’un analyste praticien, son témoignage sur le travail de l’objet qui le cause, dans le déclenchement de l’expérience par la mise en acte de l’autre scène, où seul l’amour né du savoir sur la cause opère par l’éthique qu’il enclenche. Ce témoignage se poursuit durant cinq ou six séances, le temps nécessaire pour que le praticien fasse le bilan du travail de l’objet dans la conduite d’une cure jusqu’au terme logique de l’expérience. Dans un premier temps, le Conseil de la garantie travaille les témoignages reçus des analystes passeurs jusqu’au point de savoir de quoi l’analyste s’autorise, quel est le rapport d’un tel objet avec ce qui le cause comme sujet et avec quelles conséquences pour ses analysants. Dans un deuxième temps le Conseil reçoit l’analyste pour lui faire part des conclusions de son travail. Suite au résultat du processus, l’analyste de l’École est tenu à un enseignement qui durera trois années consécutives. Cet enseignement sur ce qui cause dans l’expérience analytique portera spécifiquement l’analyste de l’école à diriger un séminaire de Contrôle. Un tel enseignement en fonction de sa qualité et de sa portée pour l’École peut être proposé par l’École aux Éditions du Gifric pour publication.

La Passe et la Garantie avec les cartels et l’enseignement qu’elles suscitent sont ainsi au cœur des objectifs de l’École freudienne du Québec. Elles accueillent, soutiennent et produisent le savoir sur ce qui sur l’autre scène, où le travail de l’effraction dans la jouissance brûle l’être, cause le sujet humain, en lui offrant un lieu pour une parole subversive et en créant une occasion pour son désir d’autre chose. De ce fait, la Passe comme la Garantie déchirent le tissu du lien social en ouvrant le lieu d’une éthique dont l’esthétique qui la soutient défie les limites du recevable en contestant les fondements même de l’idéal comme de l’interdit. Elles mettent l’École en porte-à-faux en regard des discours et des savoirs établis, car le discours qu’elles promeuvent, la psychanalyse pure, soutiennent une cause perdue, la jouissance où travaille un objet imprésentable. L’espace ouvert dans l’École par la Passe, la Garantie et les cartels pour ce qui cause dans la psychanalyse laisse en plan et la question du père soutenue par la religion et la cause dans le réel substituée au grand Autre par le rationalisme scientifique. Le sans foi ni loi qui ravage l’être dans les replis de la castration accule le sujet à une responsabilité sans norme en regard de ce qui en lui cause ses moindres gestes, suscite ses moindres affections, soutient la logique de tous ses actes dans leurs moindres conséquences, complice de tous ses maux et de tous ses malheurs, témoin de toutes ses jouissances. La Garantie porte à leurs limites éthiques les solidarités exigibles d’un tel savoir sur la cause, revisitant ainsi les fondements du devoir à l’aune des justifications de l’amour. Passe et Garantie soutiennent dans l’École et face à la société un devoir d’agir qui ne se réfère qu’à l’amour pour ce qui véritablement cause.


Groupe interdisciplinaire freudien de recherche et d'intervention clinique et culturelle

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