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Janvier 2009

Cela ne se lit pas, cela se vit

Perrine Panis

Étudiante à la maîtrise en psychologie à l’Université libre de Bruxelles. Elle a fait un stage clinique d’une durée de trois mois au « 388 », le Centre psychanalytique de traitement pour jeunes adultes psychotique, à l’automne 2008.

Je voudrais vous parler de ce qu’a été pour moi ce qu’on appelle l’«exposition des intervenants travaillant avec les psychotiques au 388». Trois mois de stage au 388 ne m’ont pas donné toute l’aisance de jongler avec les concepts théoriques liés à la pratique du Centre, mais ils suffisent néanmoins à me procurer une source fiable et accessible d’informations : ma propre expérience.

Selon moi, l’expérience de travail vécue en présence des psychotiques est une expérience « vraie » puisqu’elle ramène à l’humain et à la fibre qui le fait exister. Étant tous humains, nous naissons tous avec une éthique personnelle. Nous avançons et nous forgeons en regard de ce que la société sollicite et exige de nous. Certains automatismes s’ancrent en nous pour nous permettre de tenir et d’avancer dans une société dont nous nous gardons bien de remettre en question le mode de fonctionnement. Nous entendons bien certains discours nous promettre un monde meilleur mais ils sonnent à nos oreilles comme une ritournelle agaçante, agacement probablement lié à leur aspect vide de sens et répétitif. Puis un jour, j’ai découvert les psychotiques et j’ai côtoyé l’éthique qui guide leur vie, une éthique bien plus contraignante. Confrontée à cette éthique, aucune autre stratégie ne s’est offerte à moi que de me montrer vraie avec les psychotiques.

Au cours de mon expérience, un constat, joliment mis en mots par Pascal Bruckner (1997 : 27) et repris dans un article de Danielle Bergeron (2003 : 47), s’est imposé à moi : en participant à la vie du 388, «je ne venais pas guérir la déraison mais constater la vulnérabilité de ma propre raison». Aux prises avec cette vulnérabilité soudainement découverte, le doute s’est installé en moi : je n’étais qu’une actrice parmi d’autres gravitant dans la grande scène théâtrale sociétale. Entrer en lien avec les psychotiques rappelle l’ordre des choses : avant d’être des acteurs postés dans ou hors de la scène, nous sommes d’abord des humains démarrant tous sur le même bateau. Le doute déclenché en moi est allé dans les recoins de ce que je considérais comme acquis depuis bien longtemps et a tout chamboulé… Étais-je assise aussi confortablement que ça sur ma chaise en face du psychotique qui ne trouve même pas le support sur lequel s’appuyer ? Le dossier sur lequel je me reposais était-il aussi parfait et solide qu’il en avait l’air ? Et bien non.

Commença alors une redécouverte de l’humain à travers l’écoute de l’expérience humaine brute offerte dans les récits de vie des psychotiques. Tout fût et est encore à questionner de nouveau mais avec un nouvel angle de vue : un travail passionnant et inépuisable…

Avoir fréquenté la maison du 388 Saint-Vallier Ouest ne m’a pas saisi qu’au cœur et aux tripes, cette expérience s’est inscrite dans la lettre du corps.

Références

BRUCKNER, P., (1997) Les voleurs de beauté, Paris, Editions Grasset et Fasquelles

BERGERON, D., « Un parti pris pour la psychanalyse », Rencontre avec des pionnières en santé mentale, sous la direction de Yves Lecomte, Actes du colloque « Rencontre avec des pionnières en santé mentale les 9 et 10 octobre 2003 », édition conjointe de la Télé Université et de la Revue Santé mentale au Québec, 2005 : 41-69.

 


Groupe interdisciplinaire freudien de recherche et d'intervention clinique et culturelle

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