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Débat


 


Qui a peur de la psychanalyse?
Willy Apollon

Comment penser une évaluation d'un traitement psychanalytique des psychoses
Lucie Cantin

 

Qui a peur de la psychanalyse?

Willy Apollon
Santé mentale au Québec (2005), vol. 30, n° 1 : 165-182.

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Choisir le sujet avant l’institution, et s’il le faut contre l’institution, c’est d’abord en revenir à ce que le citoyen considère comme une éthique médicale de base: le médecin est son médecin. Il est d’abord à son service. Comme son avocat, il est de son côté. Il peut lui confier son corps, sa santé, sa vie. Il n’a pas à craindre que le prestige ou les intérêts de la recherche ou de l’institution hospitalière ou n’importe quelle autre institution, passent avant sa santé ou son bien-être. Il en est convaincu. Cette réaction intime de tout patient, est aujourd’hui difficilement le fait d’un psychotique. Le psychotique voit «souvent» le psychiatre comme un fonctionnaire au service du public plutôt que comme son médecin au service de sa santé. Très rapidement le médecin est d’abord pour un jeune psychotique, celui qui le condamne, qui vient lui enlever tous ses espoirs de jeunes de 20 ou 22 ans. Ensuite le médecin psychiatre, celui qui est supposé savoir de quoi il souffre et qui peut quelque chose pour lui, est celui qu’il voit le moins souvent, une fois aux deux ou trois mois, parfois même moins. À mesure qu’il se chronicise, avec le temps, le médecin, son médecin, le voit moins souvent, sauf s’il est hospitalisé. Il va être confié par son médecin ou l’institution à d’autres intervenants qui prendront le contrôle de tous les détails importants de sa vie. Et il sera à charge à la société pour la plus grande part du reste de sa vie. En effet, son psychiatre désormais a beaucoup de travail avec d’autres patients, moins handicapés mais plus satisfaisants. Il y a là une tendance à renverser, pour que la psychiatrie ait encore un sens et un avenir pour les patients et pas seulement pour les psychiatres et les institutions. Faire le choix du sujet peut renverser le rapport du patient à sa souffrance mentale, à son délire et ses hallucinations. C’est du moins le constat le plus évident que nous avons fait en vingt ans de psychanalyse avec les psychotiques. Mais cela suppose tout un changement de problématique en ce qui concerne le discours de la psychiatrie sur elle-même et sur ses clients. Cela entraînerait aussi tout un changement dans les rapports de la psychiatrie avec les institutions politiques, administratives et économiques. Seuls les psychiatres peuvent opérer de tels changements et engager les discussions, recherches et débats qui les amèneraient en tant que collectif à prendre position de façon décidée et active dans le contexte global de crise éthique de nos sociétés, face à l’État et face aux institutions administratives et économiques et leur alliance historique. De l’extérieur, on peut constater la nécessité que la psychiatrie opère un changement de cap radical, face aux problèmes d’époque et de société auxquels elle est confrontée. Mais de tels changements ne peuvent se décider ni s’opérer que de l’intérieur. Ils ne peuvent pas être issus de pressions exercées de l’extérieur sur la psychiatrie, des changements obtenus ainsi de l’extérieur ne seraient pas crédibles à moyen terme, car ils n’auraient pas surgi du génie propre de la psychiatrie. Les problèmes de la psychiatrie viennent d’un contexte historique global de déstructuration, provisoire mais certaine, des fondements d’une coexistence symbolique dans nos sociétés. Les solutions à ces problèmes ne peuvent être que le résultat de créations voire de mutations issues de l’intérieur, du génie propre de la psychiatrie. De toute façon, le mouvement historique pouvant entraîner de telles créations est déjà commencé, en France, en Italie, dans certains secteurs de la psychiatrie américaine et au Québec. Mais au Québec, notre confiance dans la qualité de notre système de santé public est telle, qu’un tel mouvement est nécessairement considéré encore comme marginal dans le milieu de la psychiatrie. C’est loin d’être le cas dans le milieu communautaire et alternatif québécois, comme en témoignent ici même les textes de Paul Morin et de Jérôme Guay fort éclairants et représentatifs des nouvelles tendances.

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