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Débat


 


Qui a peur de la psychanalyse?
Willy Apollon

Comment penser une évaluation d'un traitement psychanalytique des psychoses
Lucie Cantin

 

Comment penser une évaluation
d'un traitement psychanalytique des psychoses

Lucie Cantin
La cure psychanalytique du psychotique. Enjeux et stratégies (2008), Éditions Giifric, Québec : 87-120.

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Changement de position du psychotique dans le transfert

Le clinicien ou l’analyste n’est pas mis en position de «sujet supposé savoir» par le psychotique. Le savoir est plutôt du côté de ce dernier qui en fera état à quiconque voudra bien l’écouter. C’est entre autres choses sur la base de cette impossibilité du psychotique à être «sous transfert» que les analystes ont ou bien déserté le terrain de la psychose ou admis que, sur ce terrain, le savoir analytique ne pouvait qu’être appliqué à la psychose pour mieux en saisir les causes et les effets et offrir une écoute qui vise à stabiliser le délire. Le sujet psychosé ne pouvait pas en effet «entrer en analyse» et travailler en position d’analysant, à partir de matériaux produits par l’Inconscient, à l’élaboration d’un nouveau savoir qui modifie radicalement sa position subjective.

Notre position a été autre. Nous avons modifié notre conception du transfert et opéré un double déplacement de notre position d’analyste. Il est juste de dire que le psychotique n’entre pas dans le transfert, si nous maintenons de celui-ci une conception qui est en fait strictement liée à la névrose. Bien installé dans le lien social et dans l’univers de la séduction, le névrosé, fuyant toute responsabilité face à ce qui vient de l’Autre Scène mettre en péril son organisation narcissique, entrera dans cette méprise où il supposera à l’analyste ce savoir de l’Inconscient dont il ne veut, lui, rien savoir. Freud souligne à cet égard l’obstacle majeur que représente l’amour de transfert dans l’analyse. Lacan aussi relève le leurre où se conforte le névrosé en faisant de l’analyste le «sujet supposé savoir». Tirant en quelque sorte les conséquences de l’hypothèque que constitue cette méprise dans la névrose, Willy Apollon est revenu à une conception radicale du transfert comme «amour du savoir de l’Inconscient». À partir de là, nous avons pu apporter deux changements majeurs à notre position d’analyste, déplacements qui ont rendu possible l’entrée du psychotique dans la cure analytique. D’abord, en assumant pleinement une position d’Autre manquant de ce savoir singulier, issu de l’expérience du psychotique. Le savoir analytique ici ne sert à rien sinon à permettre de soutenir une position de «docte ignorance» et l’offre d’une adresse qui fera basculer le psychotique d’une position d’objet à celle de sujet dont on attend une parole sur son expérience. Puis, deuxième déplacement, c’est l’analyste qui suppose au psychotique un savoir inscrit en lui, autre que celui du délire et surtout, inassimilable à l’interprétation délirante. Pour nous donner accès à cette vérité, le rêve est sollicité et deviendra la voie d’accès, le lieu d’émergence et d’élaboration de ce savoir dont le psychosé est manquant au début de la cure. Découvrant le travail du rêve qui, à un moment clé de la cure, se met à suivre son cours indépendamment de la logique du délire, le psychotique entre dans le transfert en supposant un savoir non pas à l’analyste mais au rêve lui-même. Alors seulement, l’analyste est supposé savoir comment le guider dans ce travail qu’il fait avec son rêve.

Dans ce processus, un certain nombre d’étapes sont identifiables et peuvent être «vérifiées». D’abord ce premier temps où le psychotique «sait», d’un savoir opaque qu’il fonde sur des certitudes inentamables et incontestables parce qu’issues d’expériences subjectives singulières. Son discours, alors explicite, élabore, structure et consolide un système que nous disons délirant. Le psychotique «travaille» dans la ligne de la solution qu’il a spontanément développée dans un discours qui cherche à établir la théorie de ce nous avons appelé «l’expérience psychotique» (soit la modalité de jouissance de l’Autre dont il est l’objet, la justification de sa position d’élu ou d’objet de cette jouissance par l’identification d’un sacrifice qu’il doit accomplir ou d’une mission de reconstruction d’un nouveau langage ou d’un nouvel ordre du monde pour solutionner un défaut fondamental qui concerne toute l’humanité). Dans cette étape de la cure, même si l’analyste réclame du rêve, le rêve présenté n’en est pas un. Il est indissociable du délire dont il n’est qu’une variante. Les associations auxquelles il donne lieu sont les prolongements du développement du système délirant.

Puis, deuxième moment dans l’installation du transfert, vient un vrai rêve. Un rêve apporte un signifiant ou met en scène quelque chose qui vient d’ailleurs. Ailleurs que la conscience et que l’imaginaire à partir duquel s’élabore le délire. Les associations cette fois-ci sont conduites par la logique interne au rêve et ne sont plus récupérables par l’interprétation délirante. Elles conduisent par exemple à des souvenirs oubliés, à des événements dont le psychotique mesure la portée en les élaborant pour la première fois dans la parole : souvenirs, événements, «hallucinations anciennes de l’enfance» dont les éléments ou la structure se sont retrouvés dans les passages à l’acte de la crise ou dans la construction du délire. Du coup, le psychotique découvre le savoir du rêve, le savoir auquel donne accès le rêve et la logique qu’il met en place, autre que celle du délire.

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