Les
psychoses sous leurs différentes formes individuelles ne
semblent pas connaître de frontières. Ce ne sont pas
des maladies plus spécifiquement liées à une
classe sociale, ni à une catégorie définissable
de citoyens. Avec la psychose nous ne sommes pas non plus en face
d'une maladie d'époque, répondant à certains
critères ni à certaines conditions d'histoire sociale.
Il semble bien que de tout temps, dans l'histoire connue de nos
sociétés, l'homme a fait face aux problèmes
posés par la psychose tant au niveau individuel qu'au niveau
social. Aujourd'hui la plupart d'entre nous, nous connaissons des
amis, un proche, des parents ou un collègue aux prises avec
des problèmes de psychose. Quand entre quinze et vingt-cinq
ans, tout près de nous, la psychose se déclenche chez
un jeune, le coupe de tout lien social, le porte à ce retrait
social qui écarte ses amis et le plonge dans un univers de
pensées qui nous sont étrangères, notre surprise
est toujours totale. Rien ne semblait préparer l'entourage
à une telle coupure avec la réalité sociale.
De plus il arrive que dans le quotidien de leurs préoccupations,
les jeunes souffrant de psychose interrogent les fondements de la
société voire même de l'éthique qui soutient
le compagnonnage humain. Aucun de nous ne peut vraiment rester indifférent
à l'incidence de la psychose et ne pas se sentir concerné
par sa présence dans nos sociétés.
Notre
Réseau de Santé et de Services sociaux a investi dans
une approche biologique et hospitalière de la maladie mentale
et est en attente des découvertes scientifiques qui permettront
le médicament miracle qui nous débarrassera de ce
mal qui ronge l'humanité depuis des temps immémoriaux.
Le réseau fait beaucoup pour le psychotique en attendant.
Il étend ses services dans la communauté pour soulager
les souffrances des psychotiques et améliorer leurs conditions
et leur qualité de vie. Ces services toutefois restent dépendants
des hôpitaux et de leur approche axée sur la médication,
l'hospitalisation et la prise en charge complète de l'individu
pour le reste de sa vie. Un diagnostic de psychose dans une telle
approche pour un jeune de vingt-deux ans est une véritable
condamnation, qui pour beaucoup les porte au suicide.
Face
à l'absence de traitement véritable dans le Réseau,
l'offre du Centre de traitement psychanalytique pour jeunes adultes
psychotiques, le "388", grâce à ses résultats
reconnus au niveau national et international, satisfait les patients
et leurs familles. Malgré ses résultats, la satisfaction
des patients et des parents, son rayonnement international, ce centre
de traitement unique n'a toujours pas sa place dans le Réseau
de la Santé et des Services sociaux, à cause des pratiques
et du mode de gestion de ce réseau. Les règles de
fonctionnement et les rapports de forces à l'intérieur
du réseau public ne permettent pas l'intégration de
cette approche qui a fait ses preuves en vingt-sept ans d'existence
et de succès. Telle est la conclusion où nous mènent
huit ans de lutte pour la survie d'un mode de traitement qui offre
aux psychotiques les résultats qu'assure le traitement inventé
par les psychanalystes et les professionnels du Gifric au "388".
Du
fait donc de la nature de la psychose d'une part et du contexte
d'impasse structurelle où se trouve son traitement actuellement,
nous sommes face à un choix de société. Comme
toujours, un tel choix relève des solidarités citoyennes
possibles au sein de la société civile et de la responsabilité
politique des élus. Les changements de perspectives cliniques,
d'orientation dans les pratiques et d'éthique dans l'affrontement
quotidien avec la psychose, qu'impose une problématique de
traitement aussi novatrice que celle en cours au "388",
n'ont trouvé aucun répondant dans le réseau
public depuis qu'il est question d'assurer la pérennité
de ce mode de traitement pour répondre à la satisfaction
et au souhait de la clientèle. C'est dans la logique de cette
conjoncture que la création par le Gifric d'un Fonds
pour la recherche et le traitement psychanalytique des psychoses
prend tout son sens. Pour maintenir le droit aux jeunes psychotiques
à leur choix de traitement tel que le leur reconnaissent
les lois et les Chartres de droits, il faut créer des solidarités
civiles autour d'un mode de traitement dont actuellement eux et
leurs familles sont satisfaits des résultats dans leur vie.
L'objectif
du Fonds est donc d'abord de créer une solidarité
civile et citoyenne pour conserver intact un mode de traitement
qui offre aux psychotiques un véritable espoir pour leur
avenir de citoyens. Cette solidarité est d'autant plus nécessaire
qu'il s'agit également d'une création du génie
québécois dans un domaine où l'imitation et
la reproduction ne sont pas évidentes. Il faut s'assurer
en effet que d'autres centres créés au Québec
sur les mêmes principes éthiques et selon les mêmes
problématiques cliniques pourront donner des résultats
équivalents sinon meilleurs. Cette solidarité doit
être suffisamment active par ailleurs pour que les élus
soient contraints d'assumer leur responsabilité politique
face à un choix de société concernant les services
de traitement à assurer aux citoyens les plus démunis
de notre société. Aussi, à moyen et long termes,
le Fonds cherchera à se donner les moyens financiers pour
soutenir son objectif de promotion de la recherche pour la pérennité
du traitement psychanalytique des psychoses et la création
de nouveaux centres de traitement.