Dès
1976, un groupe de recherche s'est constitué au Gifric
sur la clinique psychanalytique des psychoses incluant la neurobiologie
et la psychopharmacologie. Il fallait confronter les thèses
de la psychanalyse à celles de la psychiatrie biologique,
de façon à situer les deux problématiques
dans une perspective clinique.
Très
rapidement, les problèmes techniques et théoriques
posés par l'application du traitement psychanalytique aux
psychoses sont devenus une préoccupation du groupe. Qu'est-ce
que la psychanalyse peut faire pour les psychotiques? Est-il possible
de psychanalyser les psychotiques? Un psychotique peut-il être
un analysant? Certes, des psychanalystes s'intéressent
à la psychose, généralement dans le cadre
d'une institution psychiatrique, où le psychanalyste est
de passage. L'institution hospitalière, on le sait, n'est
pas fondamentalement un lieu de traitement, mais bien un lieu
de dispensation des soins et de prise en charge.
Et
peut-on sortir le psychotique d'un tel cadre puis instaurer un
lieu de traitement dans lequel il deviendra comme sujet de sa
parole, un citoyen responsable de sa santé? D'autre part,
Freud et Lacan ne nous ont rien laissé sur une problématique
de traitement psychanalytique des psychoses. Par ailleurs, les
psychanalystes après eux nous ont surtout donné
des indications pour comprendre la psychose et non pour la traiter
selon les règles d'une "possible" cure. Toutes
ces questions ont préoccupé notre groupe de recherche
qui y a consacré de nombreuses rencontres et travaux depuis
des années.
Dès
la création par le Gifric du Centre psychanalytique de
traitement pour jeunes adultes psychotiques, en 1982, le groupe
s'est astreint à l'informatisation systématique
des données de traitement concernant les quelques trois
cents personnes reçues en entrevue d'admission. Ces données
couvrent les dix-huit années de fonctionnement du Centre
et touchent les principaux aspects de la vie des patients au Centre
et tout ce qui concerne leur traitement et leur évolution
clinique.
Ces
données et leur analyse font périodiquement l'objet
de communications scientifiques et de publications. L'enseignement
dispensé à ce sujet puise fréquemment à
cette riche source de renseignements.
Le
Centre psychanalytique de traitement
pour jeunes adultes psychotiques
En
1982, Le Gifric, en collaboration avec le Centre hospitalier psychiatrique
de la région de Québec, le Centre hospitalier Robert-Giffard,
ouvrait un Centre psychanalytique de traitement des psychoses,
inscrit dans la communauté, un lieu connu sous le nom de
"388".
La
pratique analytique avec des psychotiques
Les
psychotiques qui demandent à être traités
au Centre savent d'entrée de jeu que la cure analytique
sera au coeur de leur traitement. Dès l'entrevue d'admission,
deux points seront à déterminer: avons-nous affaire
à un psychotique? quelle est sa demande? L'identification
de la position du sujet dans la structure et le repérage
dans le discours du sujet des éléments de l'expérience
psychotique seront menés au-delà de la phénoménologie
symptomatique et se feront aussi sans que l'on se réfère
au dossier antérieur du patient, donc au discours que l'on
a tenu sur lui dans le passé.
Ce
qui est pris en compte, c'est d'abord le discours du sujet sur
ce qu'il identifie comme son problème. Dès le début
du traitement, le sujet sera inscrit à un programme d'intervention
et dans un cadre horaire d'activités mis en place avec
sa collaboration afin d'établir un cadre symbolique minimal
qui rende possible le traitement psychanalytique. À travers
le transfert, le travail spontané de la psychose et le
délire se trouvent contraints à un nouveau lien
social entre le psychotique et le désir de savoir du psychanalyste.
Progressivement, le rêve qui répond à ce désir
de l'analyste fournira les signifiants qui permettront d'entamer
la certitude délirante, introduisant ainsi le sujet à
une nouvelle logique, celle du signifiant.
De
là, le psychotique travaillera à la production d'un
savoir nouveau en regard du délire, lequel savoir le fera
entrer dans un nouveau lien social où son histoire subjective
trouvera à s'articuler. Une logique spécifique de
la cure du psychotique apparaît ainsi et confirme le bien
fondé du pari originel qui consistait à donner toute
sa valeur à la parole du sujet psychotique.