La
psychanalyse comme telle, dite psychanalyse pure dans le jargon
des lacaniens, est une expérience radicale conduite sous
la condition du transfert, soit l'amour du savoir produit de l'inconscient
comme fondement d'une éthique nouvelle. Une telle expérience
nécessairement singulière, liée à ce
que l'on considère comme une histoire subjective, est l'effet
de la contrainte du désir de l'analyste sur la demande subjective.
Comme telle, cette expérience a un terme, une limite logique
surdéterminée par sa structure interne, terme à
ne pas confondre avec sa finalité ou son objectif avoué,
voire avec la fin de l'expérience décidée soit
par l'analysant, soit par l'analyste, pour des raisons externes
à la logique de l'expérience. La logique qui mène
une telle expérience à sa limite interne, soit son
terme analytique, ne se réduit donc à aucun effet
de guérison, mais elle est vérifiable pour le sujet
dans une supervision. Par contre le savoir produit par une telle
expérience lui est vérifiable au terme des différents
processus dits "de la passe", qu'une École met
en place pour produire et recueillir ce savoir. C'est ce qui rend
possible qu'une expérience subjective singulière,
donc non susceptible de répétition, peut, au cas par
cas du contrôle par la supervision et la passe, donner accès
à un savoir spécifique applicable dans le domaine
du psychisme et ses effets dans le corps voire dans l'organisme,
pour des situations où l'expérience elle-même
aura été absente. C'est la psychanalyse appliquée.
Elle est au fondement de la clinique dite de "psychothérapie
analytique", où le sujet n'est pas contraint à
l'expérience comme telle, mais est confronté à
des exigences éthiques soutenues par le savoir issu de l'expérience.
Le séminaire clinique du Gifric soutient cette pratique clinique
visant à appliquer le savoir et l'éthique issus de
l'expérience analytique conduite à son terme logique,
au traitement des troubles mentaux, qu'ils soient graves ou légers,
mais de nature passagère ou intermittente comme dans la plupart
des névroses, ou qu'ils se révèlent sévères
et persistants comme dans les psychoses, et nécessitant un
examen et un questionnement approfondis des positions inconscientes
où ces troubles s'enracinent. Il s'agit donc de séminaires
de psychanalyse appliquée à des troubles mentaux d'origine
psychique quels que soient leur sévérité et
leurs effets dans l'organisme. Ces troubles manifestent un blocage
du psychisme dans ses manifestations imaginaires, comportementales,
interpersonnelles et socioculturelles en regard des positions inconscientes
et des choix éthiques profonds du sujet. Ces séminaires
cliniques s'adressent à des professionnels et des cliniciens
du réseau de la santé ou oeuvrant en bureau privé,
confrontés au travail avec des sujets souffrant de troubles
mentaux. Il est important de maintenir cette distinction entre troubles
mentaux et maladies mentales. Celles-ci, dans l'optique des neurosciences
et de la psychiatrie biologique, voire de la psychiatrie courante
pour certains, supposent une atteinte organique spécifiant
des déficiences particulières au niveau des manifestations
ou du fonctionnement neurologiques de l'attention, de l'intelligence,
de la volonté, de l'affectivité ou du comportement
psychosocial. Les approches cliniques promues dans de telles perspectives
sont toujours essentiellement d'une part de l'ordre du soin, donc
centrées sur l'organique et non du traitement, donc promouvant
le symbolique, les causes véritables de ces atteintes neurologiques
n'étant pas connues, et d'autre part de l'ordre de l'apprentissage,
du réapprentissage pour la compensation des déficiences
identifiées et par ailleurs quand c'est indiqué, de
la rééducation dans une optique de réintégration
sociale des personnes atteintes.
L'approche psychanalytique part d'une causalité symbolique
plus profonde, impliquant l'esprit même dans ses prises de
positions éthiques mobilisant l'être tout entier jusque
dans son enracinement neurophysiologique et son conditionnement
génétique. Cette approche se soutient de la parole
qui témoigne de la coupure radicale entre l'esprit, propre
à l'humain et fondant ses positions érotiques, esthétiques
et éthiques, et le psychisme, que nous partageons avec les
animaux et qui supporte, dans son fonctionnement neurophysiologique
les manifestations psychosociales et culturelles de ces positions
subjectives. Cette parole pleine où le sujet prend position,
évoque dans la clinique analytique la confrontation à
la mort qui travaille dans l'érotisme et à l'absence
de tout recours possible à un Autre, qui laisse le sujet
humain dans une solitude totale en regard à ses responsabilités
éthiques. C'est dans cette double confrontation que se spécifie
la singularité humaine et que s'origine ce que la psychanalyse
identifiera comme des troubles mentaux par opposition à ce
qui peut se concevoir comme des maladies mentales dans la psychiatrie
qui se veut biologique et donc médicale. De Freud à
nos jours, l'expérience analytique a mis à jour un
savoir sur ces troubles, leurs structures et la logique de leur
développement et de leur action sur l'organisme individuel,
le psychisme, la conscience et le comportement.
Le séminaire clinique à travers les présentations
de cas clinique, le travail des participants en équipe clinique,
et l'étude des stratégies cliniques qui découlent
de la position du clinicien, explore le champ de l'inconscient,
où opère la logique singulière qui règle
ces troubles dans chaque cas particulier. Le travail du séminaire
élabore la position du clinicien en regard de la demande
du client, et son rapport à ce qui prend prétexte
de cette demande, pour accéder à la conscience dans
la crise transitoire, déchirer l'imaginaire dans le fantasme
ou s'imposer au corps ou au psychisme par le symptôme. Progressivement
se mett en place et se découvre que la psychanalyse comme
clinique appliquée tout comme la psychanalyse comme expérience
dirigée sous transfert, est une pratique éthique qui
se soutient d'un savoir qui s'élabore à travers la
mise en œuvre de l'inconscient. Les cliniciens participants
sont invités à présenter les mêmes cas,
trois au maximum, de façon à y découvrir le
fonctionnement de la logique du fantasme au cœur de l'expérience.
Le travail en équipe entre les séminaires soutient
la recherche clinique et le désir de savoir des cliniciens.
L'élaboration théorique, s'il en est, se fait à
partir du travail clinique et des expériences présentées
et pour en éclairer les structures et en soutenir la logique.