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par
Willy Apollon
Conseil Clinique du Gifric
La
Passe est une procédure créée par Jacques Lacan
pour permettre à l’École de savoir à
quel point de la logique de son expérience analytique est parvenu
effectivement celui qui prétend avoir terminé sa cure
et s’autoriser de ce terme pour diriger celle d’un autre.
La Passe créée par Lacan devait rendre compte de ce
terme tandis que le processus de la garantie souhaité par Lacan
devait rendre compte de cette autorisation. Le processus de garantie
n’a jamais été mis en place du vivant de Lacan
ni après. À l’École freudienne du Québec,
quelques modifications ont été apportées à
la procédure pour garantir aussi bien le terme de l’expérience
que l’autorisation de la pratique selon l’optique de J.
Lacan, mais dans des conditions recevables au Québec et en
Amérique du Nord. On y distingue donc, la Passe à
l’Entrée par laquelle on devient membre de l’École,
la Passe Conclusive par laquelle on devient psychanalyste
de l’École et la Passe de la Garantie qui
habilite à la pratique analytique dans l’École
Freudienne du Québec. Dans la passe, l’analysant, témoignant
devant deux passeurs, communique à l’École le
savoir issu de son expérience analytique sur ce qui le cause
et le fait accéder au statut de sujet de l’inconscient,
avec les conséquences dans sa vie d’une telle transmutation.
À l’École freudienne de Québec, la procédure
s’effectue en quatre temps logiques.
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Premier
temps : l’analysant en position de passant parle à
deux passeurs des points forts de son expérience analytique
et de la façon dont cette expérience a subverti
sa position en regard de la jouissance qui le cause, comment il
en est venu à assumer la responsabilité éthique
de sa position subjective inconsciente et comment il est parvenu
au terme de son expérience, et avec quelles conséquences.
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Deuxième
temps : les passeurs à tour de rôle et séparément
vont rendre compte à un cartel de cinq analystes de ce
qu’ils ont retenu et compris du témoignage du passant.
De fait, ils transportent au Cartel de la Passe un savoir, inscrit
en eux pour le temps de la passe, sans savoir ce qui de la lettre
de ce savoir supporte les signifiants qui portent leur témoignage
à enclencher le travail du Cartel.
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Troisième
temps : le Cartel est mis au travail par le savoir transmis par
les passeurs consciemment ou à leur insu, et archive les
résultats de son travail, son analyse de cette transmission
et de ses conséquences pour les passeurs et les passants,
tout comme les impacts et conséquences de chaque passe
pour l’avancée de la clinique et de la théorie
et pour le savoir à l’œuvre dans l’École.
Il s’avère alors que ce qui met tout le processus
en marche et suscite le travail clinique à toutes les étapes
de sa mise en œuvre, au-delà et en deçà
des discours, est bien ce qui cause les sujets sur cette scène
que le processus évoque en offrant une parole au fantasme.
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Quatrième
temps : tous ceux qui ont participé à la procédure,
passants et passeurs, sont mis au travail dans l’après-coup
de la passe sur les effets de la passe, ses points forts, ses
difficultés et ses conséquences sur la clinique
et la théorie. Pour ce travail ils se regroupent en cartels
de 4 ou 5 membres qui travailleront pendant trois ans sur des
thèmes extraits par le Conseil clinique des points obscurs
des rapports de cartels. À la fin de cette période
de travail les cartels font un enseignement à l’École
sur les résultats et les conclusions de leur travail. Les
cartels par leur travail assument ainsi le développement
pour la clinique et la théorie, du savoir issu du travail
de la chose (qui cause) dans l’expérience analytique
et dans l’école.
La
procédure de la garantie se met en place selon
les mêmes stratégies utilisant des mécanismes
semblables. Elle doit rendre compte à l’École
du mode selon lequel l’analyste de l’École s’autorise
à la pratique de la psychanalyse pure et à l’application
de la psychanalyse dans les domaines les plus proches du savoir analytique
et les plus critiques quant aux enjeux supportés par la cause
freudienne. Dès 1905 Freud nous introduit aux conséquences
de l’effraction de cette jouissance qui produisant l’homme
subvertit son rapport à la sexualité, son rapport à
sa conscience et son rapport au monde. La procédure de la garantie,
reprenant ce que la passe a mis en évidence, l’objet
qui rend compte de la position du sujet en regard de la jouissance
dans le fantasme, elle met au travail le rôle de cet objet dans
la direction de l’expérience analytique, avec les conséquences
qu’un tel rôle et une telle direction peuvent avoir dans
le déroulement et les avatars de la logique qui mènerait
une telle expérience à son terme. Mettant ainsi à
l’épreuve d’une passe ce, dans son expérience
propre, à partir de quoi l’analyste s’autorise,
la garantie soumet à la reconnaissance du Conseil de la garantie,
ce qui fonde la position d’analyste dans l’École.
Des analystes en position de passeurs recueillent d’un analyste
praticien, son témoignage sur le travail de l’objet qui
le cause, dans le déclenchement de l’expérience
par la mise en acte de l’autre scène, où seul
l’amour né du savoir sur la cause opère par l’éthique
qu’il enclenche. Ce témoignage se poursuit durant cinq
ou six séances, le temps nécessaire pour que le praticien
fasse le bilan du travail de l’objet dans la conduite d’une
cure jusqu’au terme logique de l’expérience. Dans
un premier temps, le Conseil de la garantie travaille les témoignages
reçus des analystes passeurs jusqu’au point de savoir
de quoi l’analyste s’autorise, quel est le rapport d’un
tel objet avec ce qui le cause comme sujet et avec quelles conséquences
pour ses analysants. Dans un deuxième temps le Conseil reçoit
l’analyste pour lui faire part des conclusions de son travail.
Suite au résultat du processus, l’analyste de l’École
est tenu à un enseignement qui durera trois années consécutives.
Cet enseignement sur ce qui cause dans l’expérience analytique
portera spécifiquement l’analyste de l’école
à diriger un séminaire de Contrôle. Un tel enseignement
en fonction de sa qualité et de sa portée pour l’École
peut être proposé par l’École aux Éditions
du Gifric pour publication.
La
Passe et la Garantie avec les cartels et l’enseignement qu’elles
suscitent sont ainsi au cœur des objectifs de l’École
freudienne du Québec. Elles accueillent, soutiennent et produisent
le savoir sur ce qui sur l’autre scène, où le
travail de l’effraction dans la jouissance brûle l’être,
cause le sujet humain, en lui offrant un lieu pour une parole subversive
et en créant une occasion pour son désir d’autre
chose. De ce fait, la Passe comme la Garantie déchirent le
tissu du lien social en ouvrant le lieu d’une éthique
dont l’esthétique qui la soutient défie les
limites du recevable en contestant les fondements même de
l’idéal comme de l’interdit. Elles mettent l’École
en porte-à-faux en regard des discours et des savoirs établis,
car le discours qu’elles promeuvent, la psychanalyse pure,
soutiennent une cause perdue, la jouissance où travaille
un objet imprésentable. L’espace ouvert dans l’École
par la Passe, la Garantie et les cartels pour ce qui cause dans
la psychanalyse laisse en plan et la question du père soutenue
par la religion et la cause dans le réel substituée
au grand Autre par le rationalisme scientifique. Le sans foi ni
loi qui ravage l’être dans les replis de la castration
accule le sujet à une responsabilité sans norme en
regard de ce qui en lui cause ses moindres gestes, suscite ses moindres
affections, soutient la logique de tous ses actes dans leurs moindres
conséquences, complice de tous ses maux et de tous ses malheurs,
témoin de toutes ses jouissances. La Garantie porte à
leurs limites éthiques les solidarités exigibles d’un
tel savoir sur la cause, revisitant ainsi les fondements du devoir
à l’aune des justifications de l’amour. Passe
et Garantie soutiennent dans l’École et face à
la société un devoir d’agir qui ne se réfère
qu’à l’amour pour ce qui véritablement
cause.
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et culturelle
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