|
|
|
14
juin 2008
À
propos du Congrès "Que peut espérer le
psychotique aujourd'hui?"
Jean-Claude
Boulet
J'ai été frappé par la fréquence
avec laquelle les psychotiques dont j'ai entendu des témoignages
durant notre rencontre de Québec (20-22 mai), ont utilisé
le mot "vie". Pour parler de la vie des autres,
de la vie pénible qui n'en est pas, de la vie qu'ils
n'avaient pas, de la vie qu'ils avaient eue ou avaient encore,
de celle qu'ils voulaient ou ne voulaient plus ou pas. Nul
doute, ils ne sont pas les seuls à utiliser beaucoup
ce mot-là.
Durant
la première période de questions-discussion,
j'ai été frappé par les interventions
des jeunes. J'ai été frappé par le contenu
verbal de leurs interventions, mais surtout par leurs tons.
Cela m'a rappelé très nettement une soirée
il y a plusieurs années. J'avais assisté à
une représentation de la pièce "À
quelle heure on meurt?" d'après l'oeuvre de Réjean
Ducharme. Durant la période de discussion qui avait
suivi, il y avait eu des interventions de jeunes dans l'assistance.
J'avais été frappé de la même façon.
L'impression d'entendre que devenir adulte, intégrer
la société, c'était une maladie, c'était
une mort. La pièce avait certainement traite de ce
sujet elle aussi, mais je ne m'en souviens pas. Maintenant
que je l'ai écrit, je trouve cette idée banale
alors qu'elle me semblait grosse auparavant. Il y a un âge,
il y a une heure, il y a des heures, où ce "passage"
est un drame.
À
quelle heure on meurt? Jusqu'à quelle heure on vit?
À quelle heure on meurt? À quelle heure on vit?
À quel âge on devient débile? Pour combien
de temps?
Pour
les uns conserver la vie, une vie, au moins une partie de la
vie.
Pour les autres retrouver la vie, une vie, au moins une partie
de la vie.
À
quelle condition on parle?
Maladie, malédiction.
La parole, libre, vraie, pleine, est peut-être la seule
chose qui puisse préserver, libérer, guérir,
de cela.
La malédiction, la condamnation des autres, des ancêtres,
des parents, des sorciers, des charlatans, anciens ou contemporains.
La maladie des autres, le pouvoir, la magie des autres.
Que
peut espérer le psychotique aujourd'hui?
Que peut espérer le psy professionnel aujourd'hui?
Que pouvons-nous espérer aujourd'hui?
Courber le moins possible?
Relever le plus possible?
Nous épargner les malédictions que nous nous
servons quotidiennement les uns aux autres?
Contre
maledictio, un seul antidote, un seul espoir, benedictio.
On
parle à condition que quelqu'un écoute.
Évident, banal, simple, presque désespérement
simple.
Et
espérons tant qu'à y être que cela n'aura
pas été qu'un petit moment dans une partie de
l'histoire.
Bon
été et au plaisir peut-être.
|
|
|
|
|
|
|
Groupe interdisciplinaire freudien de recherche et d'intervention clinique
et culturelle
342, boul. René-Lévesque ouest,Québec, Qc, Canada,G1S
1R9
|
|