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Qui
a peur de la psychanalyse?
Le
prétendu dualisme de Apollon et collaborateurs
Voila donc le cadre dans lequel se sont développées
notre observation et notre analyse de l’évolution
de la psychiatrie au Québec pendant les vingt dernières
années. Nous connaissons parfaitement les apports
des neurosciences à la psychiatrie de Pavlov ou Skinner
à Kandel ou Damasio, et nous ne négligeons
nullement les apports des Européens dans ce domaine.
Nos nombreux collègues et collaborateurs psychiatres,
psychologues, sociologues et anthropologues ne manquent
pas de nous tenir à jour dans nos échanges
mensuels en plus de soutenir nos propres intérêts
intellectuels d’analystes soucieux d’abord d’avoir
des résultats vérifiables par des tiers pour
nos patients, et de ce fait curieux de tout ce qui peut
améliorer les conditions de vie et de santé
de nos patients. Et il ne s’agit pas là pour
nous de discours de circonstances ni de vœux pieux.
Nos résultats et la satisfaction de nos clients sont
là, accessibles à qui veut bien les constater
et les vérifier. C’est très précisément
parce que nous savons fort bien où vont les sciences
et ce qu’elles peuvent nous apporter, que nous exerçons
à leur égard la prudence clinique nécessaire
pour que le bien-être des patients dont nous avons
la responsabilité clinique et leur évolution
psychosociale passent avant la satisfaction des chercheurs.
Nous avons trop d’estime pour la science et pour la
recherche scientifique véritable pour les rabaisser
à ce statut de substitut idéologique et narcissique
à un défaut de résultat clinique auquel
certains les réduisent aujourd’hui. Il ne s’agit
pas pour nous de soutenir un dualisme cartésien,
même s’il nous semblerait de toute façon
préférable au monoïdéisme idéologique,
faux mimétisme du monisme spinoziste(1), qui alimente
un courant dominant en psychiatrie et en psychologie actuellement
dans la recherche et l’université en Amérique
du Nord. Ce qui caractérise les sciences et la médecine
moderne, quelque soit le domaine envisagé, c’est
le résultat combiné à la satisfaction
des utilisateurs. La science recule les limites du possible.
Mais elle ne détermine jamais le souhaitable. La
société globalement, et non la science, se
donne les moyens politiques de déterminer à
travers des choix historiques de société,
ce qui est recevable dans le champ du possible. Dans un
univers traditionaliste, de droite ou d’extrême
droite, les choses pourraient en rester là. Mais
aujourd’hui dans la majorité de nos sociétés
dites démocratiques, les choix de société
se veulent inclusifs en regard des aspirations des minorités,
et en regard des plus démunis dont les malades mentaux
sévères et psychotiques font partie. Et de
plus en plus, la question du souhaitable, mettant en jeu
le désir de chacun, se distingue comme un au-delà
de ce qui est recevable pour la communauté dans son
ensemble, ou un groupe particulier, fût-il un corps
professionnel respectable et prestigieux. Cette évolution
de nos sociétés aboutit aux Chartes des droits
des personnes. Il s’en suit de nouveaux enjeux éthiques
qui perturbent l’ordre même du social dans son
sens traditionnel. Une telle évolution définit
de nouvelles contraintes pour l’examen de l’avenir
d’une psychiatrie qui se soucierait d’abord
du bien-être des patients.
Les sciences reculant les limites du possible nous apportent
aujourd’hui énormément de lumière
sur nos choix de société, mais elles nous apportent
également le pire en termes de possibilité de
destruction de l’humanité, de sa dignité
et de son habitat. Dans ce sens, elles sont amorales par nature,
au mieux indifférentes aux enjeux de la morale. Elles
n’ont pas les moyens de se soucier de ce qui est recevable
dans une société. L’humain est toujours
le résultat d’une décision et d’un
acte créateur qui innovent et tranchent dans une antinomie
ou une contradiction fondamentale, résolvant et dépassant
une dualité déchirante pour le sujet ou le collectif
qui décident. Cette contradiction peut prendre une
forme dramatique ou tragique selon qu’elle met en scène
la dimension du sublime ou celle de l’antinomie. Cette
dualité au plus simple peut se traduire en des couples
connus d’opposés, la personne ou la société,
l’émotion ou la raison, l’intérêt
particulier ou l’intérêt général,
le plaisir individuel ou le bien commun, la liberté
ou la contrainte, le cerveau ou l’esprit, le biologique
ou l’éthique, les intérêts des patients
ou les intérêts des institutions économiques,
administratifs ou politiques, etc. En regard de ces dualités
qui définissent le champ d’une créativité
éthique, la société, le collectif humain,
et non la science, définit les valeurs qui guident
les choix et règlent l’action. Les psychanalystes
ont tendance à considérer comme pervers tout
raisonnement qui tend à nier ces dualités, en
les ramenant à une des perspectives et en gommant l’autre.
Cette scotomisation d’une partie de la réalité,
fondée sur un refus profond de la différence
et de ses contraintes éthiques, y substitue un enjeu
politique de rapport de force, là où le raisonnement
déraille d’une logique sociale qui puisse être
partagée par tous, en particulier par les plus faibles.
C’est le collectif des citoyens, la société
civile, qui se donne les moyens politiques de déterminer
historiquement ce qui est recevable pour une communauté
donnée et fonde dès lors ses valeurs et ses
règles sur la garantie de cette recevabilité.
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Groupe interdisciplinaire freudien de recherche et d'intervention clinique
et culturelle
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1R9
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