Le
point de vue à partir duquel j’aborderai la question de
l’évaluation du traitement psychanalytique est déterminé
d’abord par le contexte nord-américain et québécois où nous
nous trouvons et où la clinique de la psychose est devenue
tributaire des courants actuels dominés par la psychiatrie
biologique et les neurosciences. Un tel contexte définit
aussi bien sûr le type et les critères d’évaluation auxquels
sont généralement soumis les programmes cliniques offerts
aux psychotiques. Plutôt qu’une véritable évaluation de
l’efficacité d’un traitement sur la base des résultats cliniques
obtenus, il s’agira la plupart du temps de mesurer la conformité
de ces programmes avec les standards établis dans les guides
de pratiques psychiatriques de l’époque ou encore avec les
lois et les normes gouvernementales en vigueur.
Une
évaluation «clinico-administrative» du Centre psychanalytique
de traitement pour psychotiques : Le «388», que nous dirigeons
à Québec, a ainsi été confiée en 2002 à des experts qui
n’étaient ni psychanalystes, ni nécessairement favorables
à l’application de la psychanalyse aux psychoses. Après
avoir situé les circonstances qui ont entouré cette évaluation
et ses conclusions, je m’attarderai surtout à la problématique
clinique qui est la nôtre au «388», en établissant le cadre,
les conditions et les mécanismes qui définissent ce que
nous, psychanalystes, mettons en place comme évaluation
du traitement.
La
clinique psychanalytique de la psychose telle qu’elle s’est
développée depuis 1982 à Québec est inédite et doit sa notoriété,
entre autres, aux résultats qu’elle obtient. À cet égard,
avant d’entrer dans la question de l’évaluation qui nous
occupe ici, je ferai quelques remarques concernant le développement
de cette problématique nouvelle qui sous-tend notre pratique
analytique avec les psychotiques. Tout en suivant la voie
ouverte par Freud et Lacan, nous nous sommes attardés non
pas tant à déterminer l’origine de la psychose mais à relever
le défi de la traiter avec la psychanalyse. Willy Apollon
a ainsi introduit un ensemble de développements nouveaux
dans la métapsychologie freudienne et opéré un certain nombre
de déplacements majeurs dans l’approche de la psychose qui
ont permis de penser les conditions nécessaires au traitement
et à la cure psychanalytique du psychotique. Parmi ces apports
décisifs, on notera ici la redéfinition du transfert et
de la position de l’analyste ; une approche de la psychose
dont la logique est repensée à partir de la structure de
l’expérience du sujet, du «travail spontané» et de l’entreprise
où est engagé le psychotique ; une conception de la crise
psychotique et de son traitement à l’intérieur du cadre
soutenu par le transfert ; le travail du rêve et la logique
de la cure. En même temps, articulée à ce travail depuis
vingt-six ans à travers les discussions et séminaires hebdomadaires,
une pratique quotidienne avec les psychotiques nous a permis
à ma collègue Danielle Bergeron et moi de développer, d’établir
et de mettre en œuvre les moyens, stratégies et procédés
de cette clinique psychanalytique de la psychose, notamment
en ce qui concerne l’installation et le maniement du transfert,
l’interpellation du sujet psychotique et le soutien de sa
parole aux différentes étapes de la cure, l’utilisation
du rêve dans la mise en cause du délire et de l’entreprise
psychotiques, la gestion de la crise à l’intérieur du transfert,
la contrainte éthique face au savoir nouveau produit dans
la cure.