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Qui
a peur de la psychanalyse?
C’est
à partir de telles considérations que nous
posons qu’au-delà des fausses oppositions idéologiques
de la science et de la clinique auxquelles nous sommes étrangers
par nos pratiques mêmes, il ne faut pas perdre de
vue que l’essentiel, c’est d’abord et
avant tout la santé mentale et le bien-être
de patients qui figurent statistiquement dans la portion
de nos concitoyens les plus démunis et les plus délaissés.
Et pourtant ces patients souffrent de problèmes mentaux
qui touchent toutes les classes sociales, sans être
arrêtés par aucune des barrières idéologiques,
économiques et politiques qui sont sensées
protéger les intérêts de ces classes.
Et nous ne pouvons continuer à faire comme si la
science n’était pas au service de la clinique,
et la clinique au service du bien-être et de la santé
des patients. L’inverse n’est pas recevable,
du moins au Québec, dans un système de santé
public, n’en déplaise à certains milieux
de la recherche soumis aux impératifs de la commercialisation
de la santé. Il est évident que la recherche
scientifique est fondamentale et incontournable dans le
développement de la clinique, mais pour des raisons
socioéconomiques, de morale sociale et d’éthique
subjective tout aussi évidentes, on ne peut ni les
confondre dans une fausse unité, ni faire dépendre
sans plus le clinique du scientifique. Mais c’est
là un faux problème, les vrais enjeux sont
ailleurs. À la limite notre insistance sur la clinique
peut rater la cible si elle provoque un faux débat
qui scotomise les vrais enjeux. Nous avons peut-être
échoué à poser clairement dans l’argument
qu’une psychiatrie qui ne met pas au cœur de
ses préoccupations des résultats dans la poursuite
du bien-être et de la santé des patients est
une psychiatrie pour les psychiatres et les institutions
et non une psychiatrie pour les patients. D’autres
collègues de France ou du Québec, dans cet
ensemble de textes, auront réussi heureusement mieux
que l’argument à porter l’accent sur
ce point crucial. L’avenir de la psychiatrie est uniquement
lié à ce qu’elle apportera de positif
pour l’évolution des patients à devenir
des citoyens responsables, suffisamment autonomes pour être
les acteurs principaux et les décideurs de leurs
vies et de leurs histoires, et qui participent socialement.
En dehors de là, la psychiatrie n’a aucun avenir
qui puisse intéresser des non psychiatres.
Une problématique de perdant
La psychiatrie au Québec est à la croisée
des chemins. L’avenir la rattrape. Elle doit choisir
entre les patients en détresse et les institutions
qui participent de la crise globale et qui exigent de la psychiatrie
qu’elle corrige dans les subjectivités les effets
désastreux des conséquences de leurs entreprises.
Si elle ne choisit pas les patients elle fait une politique
de perdant, entraînant avec elle les patients et leurs
proches dans une impasse garantie par des promesses de guérison
par la génétique ou de nouvelles cellules miracles,
promesses sans cesse renouvelées mais jamais au rendez-vous.
La psychiatrie doit se rendre compte à quel point elle
est à la fois victime et bouc émissaire de cette
crise globale. Choisir entre les patients et les institutions,
c’est d’abord savoir reconnaître les liens
profonds historiques, sociaux et surtout aujourd’hui
économiques et politiques qui nouent les institutions
entre elles dans la crise globale d’éthique sociale
que nous traversons en occident. Choisir entre les patients
et les institutions, c’est aussi se rendre compte et
prendre position par rapport aux liens structuraux de fait,
donc non intentionnellement voulus par les individus, qui
relient les pratiques professionnelles des psychiatres à
une commercialisation de la santé mentale, dans un
contexte d’abus intellectuel dans certain milieu de
la recherche. C’est au psychiatre, en tant que médecin,
que revient la responsabilité morale et politique de
justifier auprès de son patient le lien entre le traitement
et ses effets positifs ou négatifs. Mais ce ne sont
pas les médecins qui produisent et qui payent les médicaments
qui ont pris la place du traitement véritable, ce sont
les compagnies et l’État. Les citoyens investissent
leurs économies dans la production des médicaments,
dont ils attendent des profits. Au Québec, apparemment
l’essentiel de la formation des psychiatres est assurée
par des chercheurs et enseignants engagés par les compagnies,
qui de plus en plus créent des chaires d’enseignement
et de recherche dans les Universités. Nous assistons
à une prise de contrôle progressive du savoir
et de l’organisation de la recherche par les compagnies,
dans les domaines les plus rentables de la santé, sans
que les institutions ni l’État semblent prêts
à publiquement engager le débat éthique
de ce que la population trouve souhaitable dans cette guerre
de basse intensité en vue du contrôle du champ
de la santé.
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Groupe interdisciplinaire freudien de recherche et d'intervention clinique
et culturelle
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1R9
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