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Débat


 


Qui a peur de la psychanalyse?
Willy Apollon

Comment penser une évaluation d'un traitement psychanalytique des psychoses
Lucie Cantin

 

Comment penser une évaluation
d'un traitement psychanalytique des psychoses

Lucie Cantin
La cure psychanalytique du psychotique. Enjeux et stratégies (2008), Éditions Giifric, Québec : 87-120.

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Le contexte de l��valuation

En mai 2002, l��tat qu�b�cois demandait une �valuation du Centre psychanalytique de traitement pour psychotiques : Le �388�. Le contexte qui avait donn� naissance � cette d�cision �tait politique et non clinique. Le Centre �tait en effet soudainement menac� de fermeture pour des raisons officiellement financi�res et administratives �voqu�es par la nouvelle direction de l�h�pital qui depuis sa cr�ation en 1982, en assurait le financement, dans le cadre d�une entente contractuelle avec le GIFRIC, promoteur et r�alisateur du programme. Le caract�re labile et le manque de coh�rence des arguments administratifs invoqu�s ont fini par faire surgir au-devant de la sc�ne les motifs id�ologiques de la d�cision, polarisant d�s lors le d�bat autour de l�approche psychanalytique qui soutient la clinique du �388�. La d�cision � administrative � apparaissait en effet nourrie par les tenants d�une approche biologique de la psychose. La psychanalyse, d�sormais pr�sent�e comme obsol�te depuis l�av�nement des avanc�es de la psychiatrie biologique et des neurosciences, devenait selon la litt�rature cit�e, non seulement inefficace, mais potentiellement dangereuse dans le traitement des schizophr�nes. Une vive et tenace opposition � cette d�cision de fermeture s�est alors organis�e. Un ensemble de professionnels du Qu�bec et de l��tranger se sont joints aux usagers du �388� et � leurs proches dans une mobilisation g�n�rale donnant lieu � une s�rie d�interventions aupr�s du ministre de la Sant� et des autorit�s gouvernementales impliqu�es : lettres provenant du Qu�bec, d�Europe et des �tats-Unis o� certaines �quipes sont � importer le mod�le de traitement, rencontres des autorit�s publiques concern�es, manifestations des usagers eux-m�mes dans les bureaux du minist�re... Finalement, pour mettre fin � la controverse, le minist�re de la Sant� d�cidait de confier � une �quipe d�experts externes le soin de trancher en r�alisant une �valuation dont les r�sultats allaient d�cider de l�avenir du Centre.

L��tat, en tant que responsable des soins de sant�, est aussi responsable de les �valuer pour en garantir la qualit� face au public. Mais c�est aussi le r�le de l��tat d�assurer aux citoyens le respect de leur droit de choisir un mode particulier de traitement, en emp�chant un groupe, quel qu�il soit, de contr�ler l�ensemble des services. Dans le traitement de la psychose, du moins en Am�rique du Nord, la psychiatrie biologique avec le support des neurosciences tente ainsi de prendre le contr�le des services publics. La psychose, d�sormais assimil�e � une maladie d�origine biologique (maladie du cerveau, trouble neurochimique, d�sordre g�n�tique, etc.) est trait�e comme telle, et ce d�une part, en l�absence de tout consensus quant � ses causes qui demeurent encore ind�montrables sur le plan scientifique et d�autre part, sans obligation de r�sultats ni r�elle �valuation d�efficacit� clinique. Bien que reconnaissant officiellement et g�n�ralement les dimensions bio-psycho-sociales touch�es par la psychose, cette psychiatrie se consacre d�sormais essentiellement � l��valuation diagnostique et au traitement psychopharmacologique de la psychose, abandonnant le � traitement psychique � aux th�rapies cognitivo-comportementales issues des avanc�es des neurosciences et le � social � aux th�rapies de r�adaptation visant l�apprentissage ou l�am�lioration des habilet�s sociales devenues n�cessaires pour le maintien du psychotique dans la communaut� o� il doit �tre �r�ins�r�. Le psychotique en fait devient l�objet d�une violence inh�rente � la vis�e de rectitude qui sous-tend l�intervention � son endroit. Rectification du dysfonctionnement du cerveau par une m�dication qui devient une polypharmacie, ciblant distinctement chacun des sympt�mes pr�sent�s ; orthop�die du psychisme par les th�rapies cognitivo-comportementales qui visent �l�am�lioration des strat�gies d�adaptation� (Chadwick et al., 2003 : 134), le traitement du d�lire et de l�hallucination par une �correction de la croyance et de l�interpr�tation erron�s � la lumi�re des faits de la r�alit� et l�apprentissage de moyens pour savoir �comment ne pas succomber aux voix� (idem : 131) ; et finalement, programmes de suivi dans la communaut� ax�s sur le contr�le quotidien de la prise de m�dicaments suppos�s assurer l�absence de rechutes (avec, pour l�intervenant qui visite le patient � domicile, la consigne de ne pas trop faire parler ce dernier pour ne pas provoquer l�angoisse et le stress qui le d�stabiliseraient). Bref, un type de traitement qui �vacue le sujet, sa parole, sa dignit�, sa responsabilit�, sa libert� et ses choix �thiques et qui est pos� comme la norme d�finie par les derni�res d�couvertes ou promesses de d�couvertes scientifiques sur l�origine de la psychose. Comme s�il �tait implicitement admis qu�il ne sert � rien de perdre son temps en offrant aux psychotiques des services de psychoth�rapie, d�sormais r�serv�s aux personnes souffrant de maladies plus nobles comme les troubles anxieux, les troubles de l�humeur ou la d�pression. Et comme si, sur le terrain de la psychose, un consensus tacite �tait �tabli : il suffit de travailler � assurer aux psychotiques de meilleures conditions de vie en attendant de la science la solution au trouble d�origine biologique dont ils sont atteints.

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