C’est
donc le travail d’élaboration et la constitution du savoir dans
la cure, sous transfert, qui donneront au psychotique la possibilité
et les moyens de rendre compte de son expérience et de son évolution
à ce tiers privilégié qu’est le psychiatre traitant, mis en
position de «passeur». Mais tout autant, l’intervenant clinique
sera lui aussi un témoin privilégié à qui le psychotique rendra
compte de ses avancées.
Par
la place qu’il occupe, en première ligne tant dans le quotidien
que dans les situations d’urgence, l’intervenant clinique se
trouve en position de constater dans le réel les effets concrets
de l’évolution du psychotique dans la gestion de son délire,
le traitement de l’angoisse, la distance prise pendant la crise,
la gestion du rapport à l’autre, etc. Dans la traversée de la
crise, l’intervenant clinique sera pour le psychotique un point
de repère constant qui l’accompagnera dans le quotidien, tout
au long de cette période féconde. Il est donc là aussi au premier
rang de ceux qui peuvent mesurer les changements opérés dans
la position du psychotique dans la crise, le maintien de sa
«présence» et de sa parole de sujet pendant ce temps particulier,
la lucidité avec laquelle les éléments de la crise sont repris
et analysés dans l’après-coup, etc.
C’est aussi l’intervenant clinique qui sera l’interlocuteur
à qui le psychotique peut s’adresser en tout temps, tout au
long de son traitement, chaque fois qu’il se trouve dans une
situation difficile ou traverse un moment d’angoisse aiguë le
soir ou la nuit. Les intervenants cliniques ont ainsi les moyens
de reconnaître où en est le psychotique dans son cheminement.
Ils auront accès au discours délirant, au doute qui s’installe,
à la chute progressive de l’entreprise psychotique et aux effets
de cette chute. Ils pourront mesurer le savoir mis en place
par le psychotique et sa façon d’y recourir dans ses choix et
dans la gestion des situations qui auparavant le projetaient
dans la crise. Ils témoigneront par exemple de la façon dont
les psychotiques, parvenus à un certain point dans leur analyse,
n’ont plus besoin d’eux ou de leur intervention pour arriver
à dénouer des situations d’impasse ou d’angoisse. Les psychotiques
font eux-mêmes le travail, décrivant la situation problématique,
associant avec quelque chose qu’ils ont découvert en cure, expliquant
à l’intervenant l’élément de la situation actuelle qui est en
lien avec un souvenir traumatique de l’enfance, trouvant eux-mêmes
à l’occasion de ce travail d’élaboration que l’intervenant rend
possible par sa seule écoute, les solutions ou plus simplement
les moyens de calmer l’angoisse. Bref, à partir d’un certain
point dans l’évolution du traitement, l’intervenant deviendra
le témoin d’un travail que le psychotique fait seul, à partir
de ce qu’il sait. Le psychotique, quant à lui, expliquera parfois
à l’analyste, qu’il a téléphoné au Centre le soir ou la nuit
précédente pour parler à un intervenant, non pas parce qu’il
attendait une quelconque intervention ou réponse de ce dernier,
mais parce qu’il voulait parler sachant que par cette mise en
forme dans la parole, il allait cerner ce qui lui arrivait…
en attendant de rêver.
C’est
aussi à l’intervenant que le psychotique rendra compte au jour
le jour des changements qui surviennent tant dans son univers
mental que dans son rapport aux autres dans le lien social.
L’intervenant clinique peut donc témoigner de la façon très
précise dont surviennent ces changements, de ce qui les a initiés
et de la façon dont les psychotiques eux-mêmes peuvent en rendre
compte dans leurs entretiens avec eux.
L’observateur
externe