Par
ailleurs, si l��tat est dans l�obligation d�emp�cher le contr�le
des services publics par un groupe donn� qui en aurait en quelque
sorte le monopole, il n�est pas pour autant tenu de se prononcer
sur l�orientation th�orique et clinique des services qu�il dispense.
C�est l� une affaire de d�bat public assur� par le travail des
sp�cialistes. L��valuation faite par l��tat vise plut�t � mesurer
la qualit�, l�efficacit� et donc les r�sultats cliniques d�un
type de traitement, tout en tenant compte du niveau de satisfaction
des utilisateurs et des citoyens qui, � travers leurs imp�ts,
paient pour de tels services. Il est d�s lors normal que l��tat
ait ce devoir de r�serve et une position exempte de parti pris
face aux diff�rentes approches th�oriques qui d�finissent les
pratiques cliniques qu�il veut �valuer. C�est l� une condition
n�cessaire au d�veloppement des pratiques et services offerts
au public.
Il
y a donc eu une �valuation du �388�, command�e par l��tat et
confi�e � une �quipe constitu�e des experts les plus reconnus
au Qu�bec dans le domaine des �valuations de programmes cliniques.
Les �valuateurs n��taient pas des psychanalystes, certains ayant
m�me des formations tr�s oppos�es � la psychanalyse. Leur approche
ne visait donc pas l��valuation des objectifs du traitement
psychanalytique non plus que l�atteinte de ces objectifs. Ils
avaient en quelque sorte une position et un regard ext�rieurs
et voulaient plut�t mesurer la pertinence et la qualit� des
services offerts en regard des �pratiques g�n�ralement reconnues�
dans le traitement des psychoses.
Mais
ce qu�ils ont d�couvert, m�me vu �de l�ext�rieur�, a d�pass�
cet objectif de mesure de la conformit�. Il faut � cet �gard
souligner l�honn�tet� et l��thique dont ont fait preuve les
�valuateurs qui ont su sortir des seules balises � clinico-administratives
� pour se mettre � l��coute d�un certain nombre d�acteurs importants,
dont bien s�r en premier lieu, les usagers eux-m�mes. Outre
le constat de la tr�s grande qualit� des pratiques cliniques
eu �gard aux normes en vigueur, le rapport des �valuateurs est
donc all� plus loin, en faisant �tat d�un ensemble de remarques
li�es en fait aux effets du traitement tels qu�ils pouvaient
en prendre la mesure dans les t�moignages obtenus des psychotiques
eux-m�mes et d�autres �t�moins� entendus (les parents, les professionnels
de la r�gion, le personnel traitant). Les experts, en choisissant
d�entendre ce que les principaux int�ress�s (les patients et
leurs proches) avaient � leur dire, ont eu acc�s dans une rencontre
de plus de deux heures avec plus de quarante psychotiques, �
des �paroles pleines� de sujets �voquant leur implication dans
un traitement qui pour eux repr�sentait un r�el travail. Ils
t�moignaient de leur engagement dans le traitement et de ses
effets concrets dans leur vie.
Sans
revenir sur le d�tail du contenu de ce rapport, il me semble
important de souligner la dimension d��v�nement qu�a prise cette
rencontre des �valuateurs avec les psychotiques. Sans avoir
pour objectif de juger de l�atteinte des objectifs du processus
analytique, les experts avaient acc�s dans l�espace social aux
effets de l�analyse chez des psychotiques qui se comportaient
et parlaient d�une fa�on inattendue. Ils en ont fait mention
dans leur rapport, relevant notamment la fa�on dont les psychotiques
�avaient d�finitivement appris � s�exprimer, � parler d�eux-m�mes
et � dire ce qu�ils ressentent et d�sirent� et la fa�on dont
ils avaient parl� en �tant �fiers de dire qu�ils se consid�raient
r�tablis ou en voie de le devenir�. Les experts relevaient aussi
qu�il �tait apparu �vident que ces personnes ��taient capables
de respect entre elles et envers les intervenants� et que pendant
plus de deux heures qu�avait dur� cette rencontre, il n�y �avait
eu aucun d�rapage � chacun attendant son tour pour parler� de
telle sorte que �le meneur de la rencontre n�avait eu aucune
difficult� � animer cette assembl�e�. Et ils concluaient : �Forte
note donc pour quarante personnes ayant des diagnostics de schizophr�nie
pour la majorit�, et pour d�autres, des troubles bipolaires
avec caract�ristiques psychotiques. Nous avons en effet constat�
qu�il s�agissait de personnes aux prises avec des probl�mes
graves et persistants de sant� mentale, qui avaient cependant
chemin� et pr�sentaient des acquis importants au plan social
et interpersonnel. Ces gens se sentent en s�curit�, responsabilis�s
et en pouvoir d��mettre leurs opinions sur tout ce qui les concerne
et ce qui concerne la programmation du "388" et son fonctionnement�
(Denis, Morissette, Gagnon, 2002 : 8). Ce sont l� en effet des
aspects qui m�ritaient d��tre reconnus et soulign�s puisque
la prise de parole et de position subjectives et l�articulation
� l�autre dans le lien social constituent des points d�terminants
et cens�s, par d�finition, faire d�faut dans la psychose. D�autant
plus que par ailleurs, le constat de la gravit� des troubles
psychiques pr�sent�s par les personnes rencontr�es ne permettait
plus de mettre au compte d�une �s�lection� positive des patients
cette �forte note� qui leur �tait attribu�e.